Une brève histoire de l’armée indonésienne

 De Asyalist, une analyse de 

 

Politique
Analyse

Une brève histoire de l’armée indonésienne


 Deuxième partie

L’Indonésie était l’invitée d’honneur au défilé du 14 Juillet de cette année. Le président Emmanuel Macron avait officiellement invité son homologue Prabowo Subianto lors de sa visite officielle en Indonésie du 27 au 29 mai 2025. Il avait également invité l’armée indonésienne à participer au défilé. C’est ainsi que les cadets de l’école militaire indonésienne et des soldats des trois armes (terre, mer et air) ont, pour la toute première fois, défilé sur les Champs Elysées. L’occasion nous est offerte d’un bref retour sur l’histoire de l’armée indonésienne. Voici la deuxième partie d’un article dont la première partie avait été diffusée le 18 juillet dernier. 
 

 

 

Anda Djoehana Wiradikarta est enseignant et chercheur en management interculturel au sein de l’équipe « Gestion et Société ». Depuis 2003, son terrain de recherche est l’Indonésie. Ingénieur de formation, il a auparavant travaillé 23 ans en entreprise, dont 6 ans expatrié par le groupe pétrolier français Total et 5 ans dans le groupe indonésien Medco.

 

publié par Association France Timor Leste @ 6:08 AM,




Timor Leste & Indonésie, de la haine à l'amitié, l'impossible oubli, un point de vue

 https://blogs.mediapart.fr/dipa-arif/blog/240725/de-la-haine-l-amitie-timor-leste-et-l-indonesie-l-impossible-oubli

 

Billet de blog 24 juillet 2025

De la haine à l’amitié : Timor-Leste et l’Indonésie, l’impossible oubli

Vingt-cinq ans après la fin de l’occupation indonésienne, Timor-Leste et l’Indonésie surprennent par leur réconciliation : les anciens rivaux Luhut Panjaitan et Xanana Gusmão s’affichent désormais en frères d’armes. Pourtant, crimes impunis, réfugiés encore dispersés et silences religieux rappellent que la justice reste inachevée.

Dipa Arif

Collaborateur de Justice et Paix France, militant des droits humains, observateur indépendant et autodidacte passionné de la vie politique indonésienne.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

De la haine à l’amitié : Timor-Leste et l’Indonésie, l’impossible oubli

Paradoxal. Voilà le mot qui résume peut-être le mieux la relation actuelle entre l’Indonésie et son ancien territoire occupé, le Timor-Leste. Vingt-cinq ans après l’indépendance arrachée dans la douleur, le dialogue s’est tissé, la coopération avance, et les anciens ennemis d’hier posent ensemble pour les caméras. Mais dans l’ombre des sourires diplomatiques, la justice attend encore son heure.

L’occupation : des cendres encore chaudes

Entre 1975 et 1999, le Timor-Leste, ancienne colonie portugaise, fut plongé dans un cauchemar sous la botte de l’armée indonésienne. L’invasion de décembre 1975, justifiée alors comme une annexion anti-communiste, a laissé un pays exsangue. Exécutions sommaires, viols, disparitions forcées, famine : entre 183 000 et 200 000 Timorais ont péri durant l’occupation indonésienne, selon le Chega! Report — soit plus d’un quart de la population de l’époque.

Les commandants comme Luhut Binsar Pandjaitan – aujourd’hui figure influente du gouvernement indonésien – furent alors des artisans du contrôle militaire. Face à eux, Xanana Gusmão, chef de la résistance timoraise, devint l’icône d’un peuple enchaîné mais jamais brisé.

De la guerre à l’étreinte diplomatique

Et pourtant. L’histoire parfois invente des retournements que la fiction n’oserait pas. Aujourd’hui, Luhut et Xanana se donnent l’accolade, rient ensemble, posent côte à côte dans des sommets régionaux. Les deux "guerriers", ennemis de jadis, sont devenus les architectes d’un nouveau pont entre leurs nations.

L’Indonésie a soutenu la candidature du Timor-Leste à l’ASEAN, saluant son intégration progressive comme membre observateur. Elle participe aussi à la reconstruction économique du petit pays, notamment par le biais d’infrastructures, d’échanges commerciaux et d’investissements dans l’énergie.

Mais la justice ?

Les plaies, elles, ne se ferment pas toutes. Des milliers de réfugiés timorais, notamment installés au Timor occidental, n’ont jamais pu rentrer. D’autres craignent encore les représailles ou vivent dans des conditions précaires.

Les responsables des crimes de guerre n’ont jamais été jugés en Indonésie. La justice transitionnelle, promise à l’aube de l’indépendance, est restée lettre morte de l’autre côté de la frontière. Jakarta invoque la réconciliation, mais sans reconnaissance pleine ni demande officielle de pardon.

L’Église : silence pesant et foi partagée

Le 9 septembre 2025, le pape François célèbre une messe historique à Dili, capitale du Timor-Leste. Des dizaines de milliers de fidèles affluent, certains venus même d’Indonésie. Des prêtres javanais, des familles de Flores et d’Ambon se recueillent aux côtés des survivants de Suai et des collines de Same. La communion est réelle, bouleversante.

C’est un moment rare où, comme après le génocide au Rwanda, les anciens ennemis prient ensemble. Un "instant Hutu-Tutsi" au parfum d’espoir.

Mais une ombre plane encore : malgré les appels persistants de Mgr Carlos Ximenes Belo, alors évêque de Dili, l’Église catholique d’Indonésie — longtemps silencieuse durant les années sombres de l’occupation — n’a jamais exprimé officiellement de regret. Certains évêques, aujourd’hui retraités, furent complices par leur silence ou leur proximité avec le pouvoir militaire. Cette mémoire ecclésiale, au nom de la vérité, mérite d’être confrontée.

Un héritage linguistique inattendu

Paradoxe encore : les jeunes Timorais d’aujourd’hui parlent plus volontiers indonésien qu’au temps de l’occupation. Le portugais, langue officielle, reste confiné aux élites. Les dramas, les chansons dangdut, les influenceurs TikTok indonésiens ont conquis Dili.

Loin d’effacer les blessures, cette proximité culturelle reflète un phénomène inattendu : l’Indonésie, qui fut jadis la langue de l’oppresseur, devient maintenant celle du divertissement… et parfois du lien.

Entre mémoire et avenir

Le Timor-Leste et l’Indonésie incarnent une relation unique en Asie du Sud-Est : construite sur le sang, traversée par le pardon, mais encore inachevée.

La réconciliation sans justice reste un édifice fragile. Mais si l’on peut prier ensemble, parler la même langue, et bâtir sans oublier, peut-être un jour viendra où le passé ne fera plus peur.


 

publié par Association France Timor Leste @ 6:44 AM,




Indopacifique : une analyse

 https://www.meretmarine.com/fr/defense/timor-leste-une-jeune-nation-dans-l-echiquier-indopacifique

 

Timor-Leste : une jeune nation dans l’échiquier indopacifique

Par Hugo Elendil Lapeyronnie.

Le Timor-Leste, indépendant depuis le 20 mai 2002, est un petit État d’Asie du Sud-Est souvent méconnu. Situé entre l’Indonésie et l’Australie, ce pays de 1,3 million d’habitants a surmonté un passé marqué par la colonisation portugaise, l’occupation indonésienne et une lutte acharnée pour la liberté. Pourtant, loin de se limiter à son histoire, le Timor-Leste s’impose comme un acteur stratégique dans l’Indopacifique, grâce à sa position géographique et à une diplomatie audacieuse. Sa proximité avec le détroit d’Ombai-Wetar et ses efforts pour diversifier une économie encore dépendante du pétrole en font un point d’intérêt pour les grandes puissances. Voici une analyse de sa stratégie et de ses défis.

Une économie en quête de diversification

L’économie du Timor-Leste repose encore largement sur les revenus pétroliers, bien que le pays cherche à diversifier ses ressources. Les champs offshore, comme Bayu-Undan, ont longtemps été le moteur économique : en 2020, les revenus pétroliers représentaient la majorité des recettes gouvernementales. La production de Bayu-Undan s’est arrêtée en 2023, mais le Fonds pétrolier, alimenté par ces revenus passés, reste crucial pour financer les dépenses publiques. Le projet Greater Sunrise, en négociation avec l’Australie, pourrait relancer le secteur, mais les discussions traînent.

Malgré des efforts pour développer d’autres secteurs, comme l’agriculture ou le tourisme, la diversification économique est freinée par des infrastructures limitées, une main-d’œuvre peu qualifiée et une forte dépendance aux importations. Le port de Tibar, opérationnel depuis septembre 2022, illustre cette ambition de diversification. Financé par un partenariat public-privé, notamment avec le groupe Bolloré et construit par China Harbour Engineering Company, ce hub vise à positionner le Timor-Leste comme un carrefour commercial régional. Cependant, le pays reste tributaire de l’aide internationale, reflétant la difficulté de réduire sa dépendance pétrolière. 

Une neutralité stratégique sous tension

Pour naviguer dans cet environnement complexe, le Timor-Leste mise sur une diplomatie de neutralité, inspirée de l’Indonésie et de sa doctrine « Bebas-Aktif » (libre et active) post-1945. Entouré de puissances comme la Chine, l’Australie, les États-Unis et le Japon, Dili adopte une approche pragmatique : accepter l’aide d’où qu’elle vienne, sans s’aligner. En septembre 2023, un partenariat stratégique global avec la Chine ouvre la voie à des investissements accrus et à une possible coopération militaire (Déclaration conjointe Chine-Timor-Leste). En avril 2025, le président José Ramos Horta a évoqué la possibilité d’exercices militaires conjoints avec Pékin, précisant qu’ils ne viseraient aucune entité hostile (ABC News). Cette ouverture, cohérente avec la stratégie timoraise, n’est pas anodine : le détroit d’Ombai-Wetar, crucial pour les opérations sous-marines, rend tout engagement militaire dans la région particulièrement sensible. 

Cette neutralité connaît des écueils. L’Australie, partenaire clé en matière de sécurité maritime, a promis deux patrouilleurs Guardian-class pour renforcer la surveillance des eaux timoraises. Prévue pour 2023, puis repoussée à 2024, la livraison reste en attente. Officiellement, le port naval de Hera, en travaux, n’est pas prêt, et les infrastructures de Dili ou Tibar sont inadaptées. Fundasaun Mahein, ONG locale spécialisée dans la sécurité, conteste cette justification, soulignant que des progrès significatifs ont été réalisés à Hera et que l’Australie a réaffirmé son engagement en mars 2024, suggérant que d’autres facteurs pourraient expliquer ce retard. Les récentes déclarations du président José Ramos Horta, évoquant une possible coopération militaire avec la Chine, mettent en lumière une problématique potentielle dans ce contexte. Ce retard compromet la lutte contre la pêche illégale et la sécurité maritime, accentuant la dépendance du Timor-Leste envers d’autres partenaires.

Le détroit d’Ombai-Wetar : un atout stratégique

Le Timor-Leste doit une part de son importance géopolitique au détroit d’Ombai-Wetar, un passage maritime clé entre le Pacifique et l’océan Indien. Avec des profondeurs dépassant plus 3 000 mètres, ce détroit est un corridor privilégié pour les sous-marins, utilisé par les flottes américaine et chinoise (F.X. Bonnet) et l’un des plus fréquentés au monde. Sa proximité fait du Timor-Leste un point stratégique, attirant l’attention des grandes puissances. Les discussions sur des exercices militaires avec la Chine prennent une dimension particulière dans ce contexte, compte tenu de l’importance du détroit pour la surveillance et les opérations sous-marines.

Un jeu géopolitique risqué

En jouant sur tous les fronts, le Timor-Leste s’engage dans une stratégie complexe, particulièrement périlleuse pour un État jeune et de petite taille. Cette approche, bien que rationnelle pour maximiser les bénéfices économiques et sécuritaires, expose le pays à des risques d’influence étrangère. Les puissances extérieures, conscientes des faiblesses structurelles timoraises – institutions jeunes, corruption persistante, capacités limitées en renseignement et en protection des informations sensibles – pourraient chercher à orienter les décisions internes en leur faveur. Ce n’est pas un hasard si le directeur du renseignement australien s’est rendu à Dili ces dernières années, signe de l’attention portée par Canberra aux dynamiques locales. Pour le Timor-Leste, ce jeu d’équilibriste, s’il est habile, reste dangereux et un faux pas pourrait compromettre son autonomie.

Perspectives

Le Timor-Leste incarne la capacité d’un petit État à tirer parti de sa position stratégique. Sa neutralité, ses projets comme le port de Tibar et sa proximité avec le détroit d’Ombai-Wetar en font un acteur important dans l’Indo-Pacifique. Cependant, sa dépendance pétrolière, ses difficultés à diversifier son économie et ses vulnérabilités internes limitent sa marge de manœuvre. En équilibrant ses relations avec la Chine, l’Australie et d’autres partenaires, Dili cherche à consolider son développement tout en préservant sa souveraineté. La réussite de cette stratégie dépendra de sa capacité à renforcer ses institutions et à naviguer avec prudence dans un environnement géopolitique de plus en plus compétitif.

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Hugo Elendil Lapeyronnie est le fondateur d’Ocerex, une société de conseil et de formation en sécurité, créée en 2024 et basée en Asie du Sud. Ocerex s’appuie sur l’expertise d’anciens membres des forces spéciales pour proposer des solutions de sécurité fiables et performantes. L’entreprise intervient auprès des forces de l’ordre, des unités militaires et de la protection civile. Bien que spécialisée dans le domaine maritime, elle propose une large gamme de services : gestion de crises, audits de sécurité, analyse de menaces, formations opérationnelles et accompagnement en cybersécurité. Portée par un savoir-faire français reconnu, Ocerex développe des solutions sur mesure, adaptées aux besoins spécifiques de ses partenaires.

 

Sources :

Banque mondiale, Rapport économique 2024

Banque asiatique de développement, Asian Development Outlook 2024

ABC News, 18 avril 2025

Australian Defence Magazine, Guardian Class Patrol Boat Update

Wikipedia, Port de Tibar

Cairn International, Routes sous-marines en Asie du Sud-Est

Fundasaun Mahein, rapports sur la sécurité maritime

Déclaration conjointe Chine-Timor-Leste, septembre 2023

 

publié par Association France Timor Leste @ 6:37 AM,




Indonésie, 1965-2000, un point de vue

 https://blogs.mediapart.fr/dipa-arif/blog/130725/enfants-du-silence-generations-sacrifiees-1965-2000

Dipa Arif

Collaborateur de Justice et Paix France, militant des droits humains, observateur indépendant et autodidacte passionné de la vie politique indonésienne.

Billet de blog 13 juillet 2025

Enfants du silence : Générations sacrifiées (1965–2000)

Entre 1965 et 2000, des millions d’Indonésiens ont grandi dans la peur, le silence et l’effacement. Accusés, stigmatisés ou orphelins des violences d’État, ils forment une génération sacrifiée sous l’autoritarisme. De Sumarsih à Bedjo Untung, leurs combats brisent aujourd’hui l’omerta imposée au nom de l’unité nationale.



Les enfants du silence : générations sacrifiées entre 1965 et 2000 dans l’Indonésie autoritaire

Entre l’effacement des mémoires, les interdits de parole et la peur héréditaire, l’Indonésie autoritaire du dernier tiers du XXe siècle a sacrifié des générations entières sur l’autel de l’unité nationale et de la stabilité. Ce sont les enfants des disparus, des exilés, des torturés — mais aussi ceux des peuples périphériques soumis à une violence coloniale intérieure. Ces enfants du silence, nés de la terreur de 1965 ou des guerres oubliées en Papouasie, Aceh et au Timor oriental, incarnent la fracture refoulée de la République. Pendant près de quatre décennies, ils ont grandi sans droit à la mémoire, sans droit à la parole, sous la menace constante de l’étiquette d’ennemi de la nation. Ce silence imposé n’était pas seulement familial : il était structurel, idéologique, programmé.

1965 : la naissance d’un traumatisme intergénérationnel

Le 1er octobre 1965, sous prétexte de prévenir un soulèvement communiste, l’armée indonésienne dirigée par le général Soeharto lance une vaste purge. Ce qui s’ensuit est l’un des plus grands massacres du XXe siècle : entre 500 000 et un million de personnes tuées, des centaines de milliers emprisonnées sans procès, torturées, violées, déportées. Ces victimes étaient accusées — souvent sans preuve — d’avoir un lien avec le Parti Communiste Indonésien (PKI).

Mais les morts ne sont pas les seuls à avoir été frappés : leurs enfants et petits-enfants ont grandi dans la honte, la peur, l’effacement. Interdits d’université, exclus de la fonction publique, surveillés par l’appareil sécuritaire, ils sont devenus une catégorie politique invisible : les enfants du G30S/PKI. Leur quotidien fut marqué par la stigmatisation sociale, l’humiliation scolaire, la perte d’identité.

La chercheuse et militante Soe Tjen Marching a documenté ces existences marquées par la honte héréditaire et le silence contraint. Dans ses enquêtes, elle montre comment le trauma de 1965 ne se limite pas aux victimes directes : il s’étend à toute leur descendance, dans une logique de culpabilité collective imposée.

La fabrication du silence : école, censure, propagande

Le régime du Nouvel Ordre (Orde Baru) a imposé un récit unique de l’histoire nationale, fondé sur la glorification de l’armée et la diabolisation du communisme. La terreur n’était pas seulement physique : elle était pédagogique, idéologique. Dès l’école primaire, les enfants apprenaient une version falsifiée des événements de 1965.

Le film "Pengkhianatan G30S/PKI", diffusé chaque année en Indonésie, est une puissante propagande d’État sous Suharto. Il montre les militantes communistes Gerwani comme des tortionnaires sadiques et immorales, responsables de violences atroces sur des généraux nationalistes. Ces images sexistes et dramatisées visaient à diaboliser le communisme et à justifier les massacres de 1965. Repris dans les écoles, ce film a instauré une terreur psychologique et un silence collectif sur cette période sombre, enfermant des générations dans une version officielle manipulée de l’histoire.

Les enfants de supposés communistes grandissaient dans la peur de voir leur identité révélée. Dans de nombreuses familles, les parents interdisaient toute question sur le passé. Des enfants ignoraient jusqu’au nom réel de leurs grands-parents ou les raisons de leur disparition. L’État avait non seulement détruit les corps, mais effacé les mémoires.

L’unité nationale contre la vérité : la troisième sila comme arme idéologique

Le silence imposé par l’État était souvent justifié par l’idéologie officielle du Pancasila, en particulier sa troisième sila : "Persatuan Indonesia" (l’unité de l’Indonésie). Cette unité, au lieu de garantir la diversité, a été instrumentalisée pour imposer le conformisme politique et réprimer toute dissidence.

Toute critique du pouvoir, toute revendication de justice ou de mémoire était accusée de menacer "l’unité nationale". Ainsi, les familles de disparus, les survivants de 1965, mais aussi les mouvements d’autodétermination (Papouasie, Aceh) ont été réprimés au nom de cette "unité". La troisième sila a servi de justification idéologique à un autoritarisme soutenu par l’armée, où la paix ne signifiait pas justice, mais silence.

Les enfants de la périphérie : Papouasie, Timor, Aceh

Si le traumatisme de 1965 a marqué la population javanaise et urbaine, les régions périphériques ont connu des violences tout aussi destructrices. À Timor oriental, occupé par l’armée entre 1975 et 1999, des milliers d’enfants ont été enlevés à leurs familles et transférés à Java. Beaucoup ont perdu leur langue, leur religion, leur mémoire. Ces enfants "intégrés" sont devenus des orphelins culturels.

En Papouasie, les campagnes militaires répétées ont fait des milliers de morts. Les enfants papous grandissent dans une atmosphère militarisée, avec des écoles infiltrées par des forces de sécurité, des enseignants militaires, et une culture nationale imposée qui nie leur identité mélanésienne. La violence coloniale intérieure est permanente.

En Aceh, dans les années 1990, la lutte du GAM (Mouvement pour un Aceh libre) a été réprimée dans le sang. Les enfants assistaient à des scènes de torture, de viols collectifs, de disparitions. Le souvenir du conflit reste vivace, et la mémoire familiale — comme pour les victimes de 1965 — reste souvent murée dans le silence.

Les mères du jeudi : Kamisan, ou la mémoire debout

Face à l’omerta officielle, des figures civiles se sont levées pour briser le silence. Depuis 2007, chaque jeudi, des familles de victimes se rassemblent devant le palais présidentiel à Jakarta pour une action silencieuse appelée "Aksi Kamisan". Habillées de noir, tenant des parapluies sombres, elles demandent justice pour leurs proches disparus.

Parmi elles, Sumarsih, mère de Bernardus Realino Norma Irmawan, tué lors des manifestations de 1998, incarne la douleur transgénérationnelle. Sa persévérance hebdomadaire, malgré l’indifférence de l’État, est devenue un symbole national de dignité.

À ses côtés, Bedjo Untung, survivant des purges de 1965, milite inlassablement pour la reconnaissance des crimes de l’État, à travers le "Yayasan Penelitian Korban Pembunuhan 1965" (YPKP65). Son combat témoigne du lien entre mémoire, réconciliation et avenir démocratique.

Suciwati, veuve du défenseur des droits humains Munir Said Thalib, assassiné en 2004, participe également à ce mouvement. Munir dénonçait les crimes de l’armée, et son meurtre reste impuni. Suciwati, en luttant pour la vérité sur la mort de son époux, prolonge le combat pour la justice structurelle dans un pays encore dominé par les forces de l’impunité.

Héritiers de l’oubli, semeurs de mémoire

Aujourd’hui, les enfants du silence sont devenus adultes. Beaucoup ont choisi le chemin de l’art, de la recherche, de l’engagement civique pour briser les chaînes de l’oubli. Des archives orales, des documentaires, des récits autobiographiques émergent peu à peu.

Les travaux de Soe Tjen Marching, sans complaisance ni victimisation, contribuent à déconstruire la fausse neutralité de l’État et à rendre visible la pluralité des traumatismes. Il ne s’agit pas de glorifier le passé, mais de réinscrire la voix des victimes dans l’histoire nationale.

Pour une mémoire libératrice

De 1965 à 2000, l’Indonésie a produit des générations mutilées, non pas par manque d’éducation, mais par un excès d’idéologie autoritaire. Les enfants du silence sont les héritiers d’un traumatisme non reconnu, porteurs d’une mémoire niée. Leur lutte n’est pas tournée vers le passé, mais vers une démocratie réelle : celle qui reconnaît ses fautes, répare ses injustices, et respecte la parole des marginalisés.

Car sans mémoire, il n’y a pas de justice. Et sans justice, il n’y a pas de paix.

publié par Association France Timor Leste @ 7:07 AM,




L'Indonésie invitée d'honneur du 14 juillet

 https://www.gavroche-thailande.com/indonesie-france-prabowo-subianto-meilleur-allie-asiatique-de-macron/

 

INDONÉSIE – FRANCE : Prabowo Subianto, meilleur allié asiatique de Macron

Date de publication : 12/07/2025

Emmanuel Macron et Prabowo Subianto

 

Le président indonésien Prabowo Subianto, 73 ans, s’apprête à connaître un moment de gloire diplomatique avec sa présence aux côtés d’Emmanuel Macron lors du défilé du 14 juillet à Paris. Un contingent de l’armée indonésienne, la TNI, défilera sous les yeux des deux présidents. Lors de la présentation du défilé, l’Élysée a refusé de commenter les crimes passés de l’armée indonésienne sous la dictature du général Suharto, dont Prabowo fut le gendre, et en particulier lors de l’accession douloureuse à l’indépendance du Timor-Leste en 1999.

Pour la France et Emmanuel Macron, le pari est avant tout stratégique et industriel. L’Indonésie est en passe de devenir l’un des meilleurs clients de la France en matière d’armement. L’archipel a passé en février 2022 une commande de 42 Rafale, et l’acquisition de 12 nouveaux appareils est envisagée. La livraison des premiers appareils aura lieu au début de l’année 2026.

 Ce rapprochement spectaculaire avec l’Indonésie suit le discours prononcé à Singapour par le président français le 30 mai 2025 au forum de sécurité du Shangri-La. La France a aussi signé un partenariat stratégique avec l’État insulaire.

publié par Association France Timor Leste @ 7:02 AM,




L'Asie-Pacifique nouveau centre du monde

 https://www.odilejacob.fr/catalogue/histoire-et-geopolitique/geopolitique-et-strategie/asie-pacifique_9782415010973.php


 

L’Asie-Pacifique va-t-elle devenir le nouveau centre du monde ?
Aujourd’hui, l’Asie-Pacifique produit 60 % du PIB mondial et 66 % de la croissance mondiale. Cette montée en puissance, loin de se limiter à la Chine, concerne l’ensemble de la région.
Forte de ses atouts – sa position à la charnière des océans Indien et Pacifique, son savoir-faire dans la gestion des flux extérieurs, ses compétences, sa force de travail –, l’Asie-Pacifique teste, ébranle, défie notre positionnement, notre capacité d’influence et nos prétentions universalistes.
Alors que le modèle américain se fissure et que la guerre gronde aux portes de l’Europe, l’Asie-Pacifique tisse un maillage dense et actif qui protège ses membres. C’est d’elle aussi que sont lancées les initiatives les plus réfléchies pour désoccidentaliser l’ordre mondial et créer éventuellement un effet d’entraînement dans le « Sud global ».
Quelles en seront les conséquences pour l’Europe ? L’Asie-Pacifique deviendra-t-elle le nouveau modèle postoccidental ?
Telles sont les questions qu’explore ce livre passionnant et très informé par l’expérience « terrain » de ses auteurs.


Sophie Boisseau du Rocher est spécialiste de l’Asie du Sud-Est. Elle a été maître de conférences à Sciences Po Paris et chercheuse au centre Asie de l’IFRI (Institut français des relations internationales). Elle est l’auteur avec Emmanuel Dubois de Prisque de La Chine e(s)t le monde. Essai sur la sino-mondialisation (Odile Jacob, 2019).


Christian Lechervy a été ambassadeur en Birmanie (2018-2023) et au Turkménistan (2006-2010). Il est aussi conseiller auprès du programme Océanie du centre Asie de l’IFRI. De 2014 à 2018, il a été secrétaire permanent pour le Pacifique, ambassadeur de France auprès de la Communauté du Pacifique (CPS) et du Programme régional océanien pour l’environnement (PROE). 

publié par Association France Timor Leste @ 12:00 AM,




Senghor, les Papous et le Timor

 https://www.lemonde.fr/afrique/article/2024/11/24/senegal-quand-le-president-leopold-sedar-senghor-defendait-les-papous_6411505_3212.html

 

Quand le président sénégalais Léopold Sédar Senghor défendait les Papous

En 1976, le chantre de la « négritude » avait offert une représentation à Dakar aux nationalistes en lutte contre l’autorité indonésienne. Car pour lui, les peuples mélanésiens étaient inclus dans le « monde noir » qu’il entendait promouvoir.

Par  (Dakar, correspondance)

Publié le 24 novembre 2024 à 08h30, modifié le 24 novembre 2024 à 09h05

Temps de Lecture 3 min.

publié par Association France Timor Leste @ 6:28 AM,




Le jeune Timor-Est à la croisée des chemins

TRIBUNE DE GENEVE

OPINION

L’invité 

 


Question pour un champion: où est Timor? Pas facile de situer cette île perdue sur une carte du monde.

Petit rappel historique: Timor est situé entre l’Australie et l’Indonésie. Sa partie orientale, Timor-Est, constitue aujourd’hui l’un des plus jeunes pays du monde. En 1975, avec l’aval cynique des États-Unis, le gouvernement indonésien du général Suharto a envahi ce territoire et y a mené une des plus dures occupations du XXe siècle, faisant suite à quatre cent cinquante ans de colonisation portugaise. Un référendum d’autodétermination en 1999 a ouvert la voie à l’indépendance du pays en 2002.

Ayant travaillé pour le CICR durant les années noires de cette île en forme de crocodile, j’y séjourne actuellement pour documenter certains aspects de son histoire mouvementée. Avec un ancien collègue historien, nous revenons sur les lieux du crime pour retrouver des amis, recueillir des témoignages et évoquer les disparus. 

Il faut dire que l’action du CICR – quasiment l’unique acteur humanitaire pendant un quart de siècle d’occupation militaire – a laissé des traces indélébiles auprès de la population. Des milliers de vies ont été sauvées, que ce soit dans les centres nutritionnels, dans les prisons et dans les dispensaires. Les dirigeants actuels du pays le savent bien, à commencer par le président Jose Ramos Horta et le charismatique premier ministre Xanana Gusmão, visité durant sa captivité.

Aujourd’hui apaisé, le pays vit une transition rapide, mélange de réussites et de dérapages. Il faut saluer le fait que Timor-Est, imprégné de valeurs chrétiennes, a su entamer le chemin de la réconciliation avec son puissant voisin indonésien qui lui a fait tant de mal. Dans ce pays le plus chrétien d’Asie – mais aussi le plus pauvre – la présence de l’Église est manifeste, tant dans la capitale Dili qu’en zones rurales. A l’instar des Salésiens, diverses congrégations contribuent à l’éducation et à la solidarité sociale. La visite du pape François en septembre prochain devrait stimuler encore davantage la ferveur religieuse de ce peuple imprégné de traditions animistes.  

Sur le plan économique, le développement des infrastructures est en plein essor. Cela dit, le défi numéro un a pour nom le pétrole. Son exploitation en mer de Timor fait encore l’objet d’âpres négociations avec le voisin australien et ses revenus représentent 80% du PIB, soit plus de 90% du budget de l’État. Hélas la gestion de cette manne est source de corruption et de déséquilibre. «Le pétrole, c’est l’excrément du diable!» dit-on au Venezuela. L’afflux de milliards de dollars se traduit par des importations massives en nourriture et en biens de première nécessité, au détriment de la production locale. Résultat des courses: l’autosuffisance est en berne, l’agriculture à la remorque tandis que les écarts se creusent entre riches et pauvres. Faute de diversification économique, de nombreux jeunes quittent leur nation naissante, guettée par l’épuisement de ses ressources en hydrocarbures.

En coulisses, certains esprits éclairés de la jeune génération appartenant à ce que D.H. Lawrence identifiait comme «la seule aristocratie, celle de la conscience» se réveillent, tel le crocodile, l’animal sacré des Timorais. D’une nonchalance attentive, ils visent à mettre un frein aux abus tape-à-l’œil de la logique de l’argent et à favoriser une vision plus en phase avec les enjeux de la modernité.

publié par Association France Timor Leste @ 5:32 AM,