Appelés aux urnes le 14 février, les
204 millions d'électeurs indonésiens ont massivement fait le choix de
la continuité en élisant dès le premier tour Prabowo Subianto, jusqu'ici ministre de la Défense.
Ce dernier s'était en effet fait adouber par Joko Widodo, l'ultra
populaire président sortant qui ne pouvait pas se représenter après ses
deux mandats de cinq ans. Bénéficiant d'un taux d'approbation de près de
70% de la population, il avait brièvement songé à modifier la
Constitution pour briguer un troisième mandat avant de renoncer mais de
placer son fils comme colistier de Prabowo Subianto. Encore jeune (36
ans), ce poste le positionne sur une rampe de lancement pour l'élection
de 2029. Pour conclure cette alliance, Jokowi n'avait pas hésité à
lâcher son propre parti à l'Assemblée, le PDI-P, qui présentait un autre
candidat.
À 72 ans, l'ancien général Subianto traîne pourtant
une réputation douteuse : ancien commandant des forces spéciales sous la
dictature de Suharto (qui dura de 1967 à 1998), il aurait activement
participé aux répressions contre les résistants du Timor oriental dans
les années 1980 et ordonné l'enlèvement et la torture de militants
prodémocratie à la fin de la dictature.
Jamais jugé, il fut
toutefois exclu de l'armée pour « conduite déshonorante » avant de
partir en exil en Jordanie pendant plusieurs années. Candidat malheureux
face à Jokowi en 2014 puis en 2019, ce dernier l'avait fait entrer au
gouvernement lors de son deuxième mandat comme ministre de la Défense,
tout un symbole.
En concluant un accord avec le président sortant, la victoire de Subianto était presque assurée.Il n'empêche que le score obtenu (environ 55% des voix selon les résultats encore provisoires) est largement au-dessus de certaines estimations, qui anticipaient un deuxième tour. Son plus proche concurrent, l'ancien gouverneur de Jakarta, Anies Baswedan aurait obtenu environ 25% des suffrages.
Au-delà des 5%
C'est sans doute ce chiffre qui caractérise le mieux l'économie indonésienne qui, hors Covid, affiche une stabilité déconcertante avec une croissance à 5% depuis environ dix ans.
Si cette performance rendrait jalouse n'importe quelle économie de la
zone euro, elle reste insuffisante pour un pays comme l'Indonésie,
encore au stade d'économie à revenu intermédiaire bas, n'ayant de
surcroît pas achevé sa transition démographique.
Si Jokowi peut
se targuer d'avoir fait bondir le PIB indonésien de plus de 40% en dix
ans, ce taux de 5% demeure insuffisant pour absorber tous les nouveaux
entrants sur le marché du travail, dans un pays où l'âge médian reste
inférieur à 30 ans et où 25% de la population a moins de 14 ans.
Un
long chemin a déjà été parcouru depuis les crises asiatiques de la fin
des années 1990, qui avaient laissé une réputation d'économie « fragile »
à l'Indonésie, surtout sur le plan monétaire. Depuis, le pays a
grandement renforcé ses politiques macroprudentielles pour limiter et
éviter les chocs liés aux déséquilibres externes. Et avec succès : en
2022 et 2023, la banque centrale a mené une politique monétaire
orthodoxe, mais graduelle, afin de ne pas trop étouffer l'activité.
L'inflation
est demeurée relativement contenue grâce à l'effet combiné de la
politique monétaire et de mesures de contrôle des prix
(subventions sur les carburants et certains produits alimentaires,
restrictions aux exportations sur l'huile de palme notamment). La roupie
indonésienne a tenu le cap face au dollar, bien mieux que la plupart
des autres devises émergentes, en ne se dépréciant que de 9% environ par
rapport à début 2022, avant le choc inflationniste de la guerre en
Ukraine et le mouvement d'appréciation du dollar.
Sur le
plan budgétaire, l'Indonésie a renoué avec la rigueur et rempli son
objectif d'un déficit public inférieur à 3% du PIB dès 2022
(cette contrainte avait été relâchée en 2020 et 2021 en raison du
Covid). Le pays est aussi celui qui présente la dette publique la plus
faible des économies de l'Asean et du G20 (environ 38% du PIB). De quoi
laisser encore de la marge pour prolonger l'effort en investissements
entrepris par Jokowi.
Subianto dans la continuité
C'est
d'ailleurs sur cette promesse que Subianto a été soutenu par le
président sortant : celle de continuer les dépenses d'investissements en
infrastructures, à commencer par le projet de transfert de la
capitale sur l'île de Bornéo, chiffré autour de 35 milliards de dollars
et qui devrait s'échelonner sur vingt ans. Incarné et porté par Jokowi,
la nouvelle équipe sera garante de son exécution, la première partie du
chantier devant être livrée dès août 2024. À cela s'ajoutent de nouveaux
projets dans le domaine des transports et de l'énergie. Si le pays
avait profité de capitaux chinois entre 2013 et 2018, le ralentissement
des financements liés aux Nouvelles routes de la soie va le contraindre à
chercher de nouveaux investisseurs étrangers.
L'autre enjeu est de réussir à valoriser les ressources naturelles du pays, notamment le nickel.
Pour ce faire, l'Indonésie a imposé des taxes sur les exportations de
produits non raffinés ou transformés, afin d'encourager les
multinationales à remonter les chaînes de valeur sur place, et donc
d'exporter des produits à plus forte valeur ajoutée. Pour l'instant,
cette stratégie n'a pas vraiment eu l'effet escompté : les capitaux
chinois ont afflué, alimentant les craintes européennes et américaines
sur cette nouvelle filière. Résultat, la production reste pour l'instant
réservée au marché chinois plutôt bas de gamme, et une grande partie de
la transformation s'effectue toujours en dehors du pays.
Très protectionniste, ce qui tranche par rapport à ses voisins asiatiques (Malaisie, Philippines, Thaïlande) mieux intégrés, l'Indonésie est encore comme bloquée entre deux stratégies de développement
: celle consistant à compter sur son marché intérieur pour assurer sa
croissance, et celle consistant à s'ouvrir un peu plus pour que d'autres
puissent en profiter.
Cette ambivalence se retrouve
aussi au niveau des relations internationales : Jokowi a veillé à
conserver une position neutre entre la Chine et les États-Unis, en
profitant du meilleur des deux mondes. Gros client des
investissements et capitaux chinois, le pays s’est toutefois rapproché
militairement du bloc atlantiste. Une ligne de crête difficile à tracer,
qui n’est pas sans rappeler celle que son voisin indien – avec lequel
l’Indonésie partage de nombreuses similitudes – essaye aussi de dessiner
non sans mal. Un « multi alignement » qui pourrait trouver ses limites
si les tensions sino-américaines venaient à s’exacerber encore plus.
Très protectionniste, ce qui
tranche par rapport à ses voisins asiatiques (Malaisie, Philippines,
Thaïlande) mieux intégrés, l'Indonésie est encore comme bloquée entre
deux stratégies de développement : celle consistant à compter sur son
marché intérieur pour assurer sa croissance, et celle consistant à
s'ouvrir un peu plus pour que d'autres puissent en profiter. Cette
ambivalence se retrouve aussi au niveau des relations internationales :
Jokowi a veillé à conserver une position neutre entre la Chine et les
États-Unis, en profitant du meilleur des deux mondes. Gros client des
investissements et capitaux chinois, le pays s'est toutefois rapproché
militairement du bloc atlantiste.
Sophie WIEVIORKA,
Economiste - Asie (hors Japon)
publié par Association France Timor Leste @ 1:55 AM,
Prabowo Subianto, le nouveau président indonésien, un ex-militaire au passé sulfureux
Le nouveau chef de l’Etat indonésien est accusé de crimes durant les
sanglantes répressions contre les résistants du Timor oriental, dans
les années 1980, et d’avoir fait enlever et torturer des activistes
prodémocratie, en 1998.
Publié le 15 février 2024 à 09h14, modifié le 15 février 2024 à 12h57
Le vainqueur de l’élection présidentielle indonésienne a du sang sur les mains. Elu le 14 février dès le premier tour avec un score remarquable (plus de 55 % des voix, selon une estimation provisoire), Prabowo Subianto, 72 ans, a réussi à faire passer au deuxième plan un passé qui sent le soufre. Tout au long de sa campagne, il s’est efforcé de se présenter sous les allures d’un « grand-papa » débonnaire, esquissant, sur les vidéos filmées durant les meetings électoraux, de touchants pas de danse. Pourtant, le curriculum vitae du nouveau chef de l’Etat donne du grand-père une image fort différente : celle d’un homme sans pitié qui fut le chef de commandos de soudards qui ont laissé une trace sanglante durant les noires années de la dictature (1967-1998).
Ex-officier des Kopassus (forces spéciales indonésiennes) à l’époque de la répression de la résistance dans l’ancienne colonie portugaise du Timor oriental, envahi par l’Indonésie en 1975, ce soldat d’élite y dirigea plusieurs opérations de contre-insurrection, notamment durant les années 1980.
Les témoignages recueillis par la Commission vérité et réconciliation, créée par l’ONU en 2001 avant que le Timor-Leste n’accède à l’indépendance, sont aussi détaillés qu’explicites : le 16 septembre 1983, près du village de Caraubalo, les hommes du major Prabowo exécutent un groupe de guérilleros et leurs familles, femmes et enfants compris.
Les chiffres des victimes restent sujets à caution mais la Commission, qui s’appuie sur la mémoire de survivants, soutient que 55 personnes ont été passées par les armes ce jour-là. Un Timorais caché sous les cadavres d’autres suppliciés a témoigné : « J’ai entendu les gémissements de deux bébés, âgés de 1 an ou 2 ans, un garçon et une fille, qui avaient [eux aussi] échappé aux tirs. Un soldat les a égorgés au couteau avant d’aller fumer une cigarette. »
Exclu de l’armée pour « conduite déshonorante »
Le surlendemain, environ 140 hommes, qui avaient fui une razzia de l’armée, sont abattus à la mitrailleuse dans le village de Buikarin, toujours par les hommes de Prabowo Subianto. L’enquête n’a pas pu préciser s’il s’agissait de combattants de la résistance ou de civils, ou les deux. Si les investigations ne mettent pas en cause directement le futur président durant les massacres, la position qu’il occupait dans la hiérarchie et le fait qu’il dirigeait les opérations depuis son poste de commandement situé dans la région laissent peu de doutes quant à sa responsabilité dans les exactions perpétrées par ses hommes. Prabowo n’a jamais été inquiété.
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publié par Association France Timor Leste @ 6:30 AM,
Cet article a pour objectif de faire connaître aux lecteurs du
magazine Gavroche un ouvrage fondamental intitulé L’Asie du Sud-Est 2023
Bilan, enjeux et perspectives, sous la direction de Gabriel Facal et
Jérôme Samuel, coordonné et publié en 2023 par L’ Institut de recherche
sur l’Asie du Sud-Est contemporain, basé à Bangkok, qui est un centre de
recherches placé sous la double tutelle du Ministère de l’Europe et des
Affaires étrangères de France et du CNRS.
Nous concentrerons principalement cette revue sur l’ASEAN, traitée
comme une institution régionale très significative dans cet ouvrage
collectif, mais il semble opportun de renseigner au préalable les
lecteurs sur le contenu général de cet ouvrage de 460 pages, bien
documenté et riche d’idées originales et de considérations théoriques.
L’ouvrage est ouvert par un Avant-propos intitulé : Diplomaties en
ASEAN et relances nationales en demi-teinte, par Gabriel Facal et Jérôme
Samuel. Il se poursuit par des articles traitant des dossiers de
l’année 2022, dont L’approche One Health : l’Asie du Sud-Est comme lieu
privilégié de sa mise en œuvre ; Vieillir avant de s’enrichir ?
Perspectives et enjeux économiques du vieillissement de la population en
Thaïlande, au Vietnam et en Malaisie ; L’Asie du Sud-Est, nouveau
centre de gravité des câbles sous-marins ; Coopérations et rivalités
dans le bassin du Mékong ; Langues transnationales en Asie du Sud-Est :
les amitiés distantes des thaï-lao et indonésien-malais(ien).
Une grande partie de l’ouvrage est consacrée à la présentation de
chacun des dix membres actuels de l’ASEAN, ainsi que du futur onzième
membre – le Timor-Leste – sous le titre : Une visibilité internationale
accumulée, une clarification du jeu politique attendu.
Enfin, le volume se termine par des Indicateurs-clés, des représentations graphiques et des Abstracts utiles en anglais.
Une analyse du rôle de l’ASEAN dans les relations internationales
Les auteurs du livre donnent une vision optimiste de l’ASEAN selon
laquelle « Malgré de forts infléchissements dans le secteur du
développement infrastructurel et du tourisme, et malgré les tensions
liées aux difficultés d’approvisionnement et des prix de l’énergie et de
l’alimentaire , la plupart des pays d’Asie du Sud-Est retrouvent des
indicateurs économiques positifs. Pour 2023, les experts ont vérifié que
l’ASEAN restera l’une des régions du monde à la croissance la plus
rapide (4,7 % projetés), bien que légèrement inférieure à celle de 2022.
La seconde moitié de l’année verra possiblement des conditions plus
propices à la croissance, la baisse de l’inflation offrant aux banques
centrales une plus grande flexibilité des taux. En dépit d’un
environnement macroéconomique difficile, l’ASEAN devrait rester
attrayante pour les investissements commerciaux et publics directs
étrangers. » (pp.29-39)
Sur le plan géopolitique, le géant indonésien capte l’attention
internationale par ses fonctions de représentation ayant la présidence
de l’ASEAN en 2023. De plus, les nombreuses réunions multilatérales qui
se sont tenues en 2022 « ont renforcé la position de l’ASEAN en
Asie-Pacifique et sur la scène politique mondiale, en démontrant la
capacité de l’Association à exercer un rôle d’intermédiaire pour apaiser
les tensions et à faire valoir son potentiel géostratégique (matières
premières mais aussi, de plus en plus, technologies permettant une
meilleure autonomie dans les filières) ».
Le rôle diplomatique de l’ASEAN a été démontré à maintes reprises.
L’ASEAN comme nœud stratégique a été confirmée en mai 2022 par
Washington lors du sommet spécial entre les États-Unis et neuf membres
de l’ASEAN (12-13 mai 2022). Cet événement est historique par le fait
que l’administration Biden a résisté à la tentation d’organiser, en
marge du sommet, des réunions bilatérales avec certains pays, renforçant
l’idée que les États-Unis voient désormais l’ASEAN comme un bloc
géographique et stratégique, un être collectif avec lequel Washington
veut construire une relation multidimensionnelle, notamment à travers
les nombreuses initiatives de l’Association (promotion de la
connectivité et de la coopération économique, développement durable,
coopération maritime. (p.105)
Si les aspects positifs du fonctionnement de l’ASEAN sont largement
décrits dans l’ouvrage, les difficultés actuelles ne sont pas ignorées.
Au contraire, les auteurs soulignent qu’« en dehors de mesures
ponctuelles et conjoncturelles pour affronter les nouveaux défis
économiques et environnementaux, les crises récentes n’ont pas abouti à
l’élaboration de programmes de planification nationale ni d’une feuille
de route coordonnée entre les États. Dans ce contexte, l’Indonésie, le
Cambodge ou le Brunei auront fort à faire pour atteindre les ambitions
qu’ils manifestent dans le domaine environnemental. Pour connecter ces
enjeux environnementaux à l’action politique et aux agendas économiques,
l’Asie du Sud-Est montre pourtant qu’elle a des ressources
intellectuelles et peut s’appuyer sur des mécanismes institutionnels
avancés. » (p.30)
Des exemples intéressants et instructifs sont présentés. Ayant
constaté un défaut de coordination régionale en Asie du Sud-Est au sein
de l’ASEAN du fait du manque de capacité de gestion et de la disparité
économique et politique des États membres, « la Commission européenne a
mis en place un programme de renforcement de la coordination régionale
concernant les maladies infectieuses hautement pathogènes auprès du
Secrétariat de l’ASEAN. Ce programme, appelé HPED (Highly Pathogenic and
Emerging Diseases), qui visait d’abord une réponse globale face à la
grippe aviaire, s’est enrichi de l’approche One Health ».(p.40)
Il est rappelé à cet égard qu’actuellement l’Union européenne cherche
les moyens de rendre opérationnel l’approche One Health pour lutter
contre les maladies émergentes. Dans la perspective d’une Rencontre
intergouvernementale Asie-Europe (ASEM), « elle a préparé un document
visant à rassembler des expériences en Europe ou en Asie mettant en
œuvre l’approche One Health de façon concrète avec les acteurs impliqués
en Europe ou en Asie”.(p.41)
Au niveau institutionnel, des actions pertinentes méritent d’être
citées. Dès 2008, les ministres de la Santé de l’ASEAN, ainsi que ceux
de la Chine, de la Corée du Sud et du Japon (ASEAN+3), réunis à Manille
autour de l’objectif commun d’améliorer la situation sanitaire dans la
région, se sont engagés à adopter l’approche One Health pour la
prévention et le contrôle des maladies infectieuses émergentes.
La Thaïlande a joué un rôle moteur dans l’approche One Health parmi
les Etats membres de l’ASEAN et dans la région, notamment par
l’intermédiaire du réseau d’universités One Health d’Asie du Sud-Est. Le
Southeast Asian One Health Universities Network est une organisation
régionale, constituée en 2011, dont le siège est basé à Chiang Mai
(Thaïlande) et qui rassemble aujourd’hui plus de 95 universités dans
huit pays d’Asie du Sud-Est – Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie,
Myanmar, Philippines, Thaïlande et Vietnam – et six universités à
Taïwan.
Il faut reconnaître aussi la contribution spécifique de la Thaïlande
dans ce domaine. Des documents montrent que « Les chefs d’État et de
gouvernement de l’ASEAN ont annoncé en novembre 2020 la création à
Bangkok du Centre de l’ASEAN pour les urgences de santé publique et les
maladies émergentes » (p.45)
L’Europe est également présente dans la mise en œuvre de cette
initiative. La France est devenue partenaire de développement de l’ASEAN
en 2020. Le Ministère des Affaires étrangères français a financé un
projet FSPI (Fonds de solidarité pour les projets innovants) régional «
One Health en pratiques en Asie du Sud-Est », qui a pour ambition
d’associer un grand nombre d’acteurs de la région en prônant une
approche intersectorielle et interdisciplinaire sur une thématique
considérée comme d’importance stratégique en Indo-Pacifique. « Le projet
vise en outre à renforcer la visibilité et la valorisation des travaux
français sur la thématique spécifique”.(p.46)
Concernant la composition future de l’ASEAN, un fait important doit
être évoqué. À l’issue des 40e et 41e sommets de l’ASEAN, les membres se
sont mis d’accord en principe pour l’adhésion du Timor-Leste à
l’organisation régionale en tant que 11e membre, pour l’octroi d’un
statut d’observateur d’ici-là lui permettant de participer à l’ensemble
des réunions de l’ASEAN, y compris plénières, pour l’élaboration d’une
feuille de route pour la pleine adhésion, et pour le soutien des États
membres et autres partenaires au Timor-Leste pour le renforcement de
compétences.
Le facteur le plus inquiétant dans le fonctionnement de l’ASEAN est
la situation actuelle en Birmanie. Depuis le coup d’État militaire de
2021 en Birmanie, les manifestations pacifiques et la répression qui a
suivi ont cédé la place à une guerre généralisée et prolongée entre le
Conseil d’administration de l’État (SAC) et une myriade de groupes de
résistance armée, opérant désormais dans la majeure partie du pays, et
contrôlant même certaines parties importantes du territoire. Cependant,
aucune victoire militaire claire ne semble en vue pour aucun des partis.
Pendant ce temps, l’opposition politique cherche à mettre en place une
administration parallèle, mais manque de ressources pour gagner en
puissance et en crédibilité, dans un paysage ethnique et politique
complexe. Sur la scène internationale, le SAC est confronté à des
sanctions occidentales et même à un certain niveau d’isolement sur la
scène de l’ASEAN. La société dans son ensemble est profondément touchée
par la crise économique, l’inflation, la montée en flèche des taux de
pauvreté, la fuite des cerveaux, le désespoir et la criminalisation de
l’économie. Ces risques à long terme représentent une contrainte
supplémentaire pour toute future transition politique en Birmanie. (p.
453)
Conclusion
Il est utile de conclure ces pages avec les points de vue exprimés
lors du dernier 43e Sommet de l’ASEAN, qui s’est tenu le 5 septembre
2023 sous la présidence de la République d’Indonésie, sur le thème «
L’ASEAN compte : l’épicentre de la croissance », car ses conclusions
peuvent influencer les futures opinions doctrinales sur cette
institution régionale.
Le Sommet a examiné les progrès de l’ASEAN et a réaffirmé son
engagement à renforcer davantage l’ASEAN en tant qu’organisation robuste
et agile, dotée de capacités et d’une efficacité institutionnelle
renforcées pour relever les défis d’aujourd’hui et rester pertinente
pour sa population, la région et le monde tout en continuant à servir
d’épicentre de croissance et de prospérité pour la région et au-delà.
Le Sommet a également réaffirmé un engagement commun à maintenir et
promouvoir la paix, la sécurité et la stabilité dans la région, ainsi
qu’à résoudre pacifiquement les différends, y compris le plein respect
des processus juridiques et diplomatiques, sans recourir à la menace ou
au recours à la force, conformément aux principes universellement
reconnus du droit international.
Il est également pertinent de citer le 13e Sommet ASEAN-Nations Unies
(ONU), qui s’est tenu le 7 septembre 2023 à Jakarta, en Indonésie.
Le Sommet ASEAN-ONU a souligné l’importance du partenariat global
ASEAN-ONU dans les efforts de construction de la communauté de l’ASEAN,
ainsi que dans leurs efforts collectifs pour répondre aux préoccupations
mondiales et régionales, tout en poursuivant des objectifs communs et
des initiatives complémentaires, au profit des peuples du ASEAN.
Le même Sommet a réaffirmé l’engagement indéfectible de défendre le
multilatéralisme, ainsi que l’État de droit et un ordre international
fondé sur des règles, pour répondre à des défis mondiaux de plus en plus
complexes.
La préparation du Sommet des Nations Unies sur l’avenir 2024 en tant
que plate-forme multilatérale pour aborder les questions mondiales
urgentes ayant des liens profonds avec le travail des organisations
régionales, et la réunion elle-même se concentreront sur la gouvernance
mondiale, réaffirmeront les engagements existants et revigoreront le
système multilatéral. Il y a de solides raisons de croire que l’ASEAN,
en tant qu’institution, et tous ses membres, à titre individuel,
joueront un rôle actif dans tout le processus diplomatique suscité par
cet événement.
publié par Association France Timor Leste @ 2:59 AM,
Do colonialismo tardio à independência (Afrontamento, 2023), une contribution sans précédent aux études sur le Timor oriental.
Selon Ana Gomes, ancienne ambassadrice du Portugal, à Jakarta, de 2000 à 2003, et auteure de la préface de Timor-Leste. Do colonialismo tardio à independência (Afrontamento, 2023), l’histoire du Timor oriental « est
nécessairement transnationale. De plus, raconter une histoire
transnationale implique le défi de la raconter d’une façon plurielle,
transmise à travers la pluralité des acteurs – protagonistes, témoins,
figurants, observateurs – et expliquée par les multiples perspectives
culturelles qui ont contribué à la construire et qui la projettent dans
le présent et dans l’avenir. Des acteurs que les auteurs ont pris soin
d’interviewer afin de donner un contexte, un temps, une manière et une
voix aux faits et intrigues qu’ils ont minutieusement exhumés des
archives.
Assumer
la transnationalité – et, par conséquent, la pluralité, y compris
linguistique – de l’histoire de l’autodétermination du Timor oriental
est parfaitement logique. Elle répond à la nécessité d’affirmer une
compréhension cohérente qui explique l’évolution non seulement du Timor
oriental, mais aussi de tous les autres acteurs, tels que le Portugal,
l’Indonésie, l’Australie, d’autres pays européens, les États-Unis et les
Nations unies, en interconnectant les nombreux récits épars,
fragmentés, partiels, souvent superficiels et déconnectés concernant le
processus d’indépendance du Timor oriental ».
Timor-Leste. Do colonialismo tardio à independência
(Afrontamento, 2023) est un ouvrage d’une grande utilité non seulement
pour les historiens, mais également pour tous ceux qui se trouvent dans
les domaines de la politique et de la diplomatie.
publié par Association France Timor Leste @ 3:22 AM,
L'édition 2023 - Bilan, enjeux et perspectives - de L'Asie du Sud-Est, édité par l'IRASEC, est en visionnement libre en ligne. Basé à Bangkok, l'IRASEC est l'Institut de recherche sur l'Asie du Sud-Est contemporaine https://www.irasec.com/
QUB RADIO (Journal du Québec) a interviewé l'avocat québécois à l'ONU André Sirbois, à propos de la nomination de la Russie à la tête du Conseil de sécurité.
Il évoque son expérience au Timor occupé, lorsqu'il s'est trouvé sur une liste de personnes à éliminer...