Le jeune Timor-Est à la croisée des chemins

TRIBUNE DE GENEVE

OPINION

L’invité 

 


Question pour un champion: où est Timor? Pas facile de situer cette île perdue sur une carte du monde.

Petit rappel historique: Timor est situé entre l’Australie et l’Indonésie. Sa partie orientale, Timor-Est, constitue aujourd’hui l’un des plus jeunes pays du monde. En 1975, avec l’aval cynique des États-Unis, le gouvernement indonésien du général Suharto a envahi ce territoire et y a mené une des plus dures occupations du XXe siècle, faisant suite à quatre cent cinquante ans de colonisation portugaise. Un référendum d’autodétermination en 1999 a ouvert la voie à l’indépendance du pays en 2002.

Ayant travaillé pour le CICR durant les années noires de cette île en forme de crocodile, j’y séjourne actuellement pour documenter certains aspects de son histoire mouvementée. Avec un ancien collègue historien, nous revenons sur les lieux du crime pour retrouver des amis, recueillir des témoignages et évoquer les disparus. 

Il faut dire que l’action du CICR – quasiment l’unique acteur humanitaire pendant un quart de siècle d’occupation militaire – a laissé des traces indélébiles auprès de la population. Des milliers de vies ont été sauvées, que ce soit dans les centres nutritionnels, dans les prisons et dans les dispensaires. Les dirigeants actuels du pays le savent bien, à commencer par le président Jose Ramos Horta et le charismatique premier ministre Xanana Gusmão, visité durant sa captivité.

Aujourd’hui apaisé, le pays vit une transition rapide, mélange de réussites et de dérapages. Il faut saluer le fait que Timor-Est, imprégné de valeurs chrétiennes, a su entamer le chemin de la réconciliation avec son puissant voisin indonésien qui lui a fait tant de mal. Dans ce pays le plus chrétien d’Asie – mais aussi le plus pauvre – la présence de l’Église est manifeste, tant dans la capitale Dili qu’en zones rurales. A l’instar des Salésiens, diverses congrégations contribuent à l’éducation et à la solidarité sociale. La visite du pape François en septembre prochain devrait stimuler encore davantage la ferveur religieuse de ce peuple imprégné de traditions animistes.  

Sur le plan économique, le développement des infrastructures est en plein essor. Cela dit, le défi numéro un a pour nom le pétrole. Son exploitation en mer de Timor fait encore l’objet d’âpres négociations avec le voisin australien et ses revenus représentent 80% du PIB, soit plus de 90% du budget de l’État. Hélas la gestion de cette manne est source de corruption et de déséquilibre. «Le pétrole, c’est l’excrément du diable!» dit-on au Venezuela. L’afflux de milliards de dollars se traduit par des importations massives en nourriture et en biens de première nécessité, au détriment de la production locale. Résultat des courses: l’autosuffisance est en berne, l’agriculture à la remorque tandis que les écarts se creusent entre riches et pauvres. Faute de diversification économique, de nombreux jeunes quittent leur nation naissante, guettée par l’épuisement de ses ressources en hydrocarbures.

En coulisses, certains esprits éclairés de la jeune génération appartenant à ce que D.H. Lawrence identifiait comme «la seule aristocratie, celle de la conscience» se réveillent, tel le crocodile, l’animal sacré des Timorais. D’une nonchalance attentive, ils visent à mettre un frein aux abus tape-à-l’œil de la logique de l’argent et à favoriser une vision plus en phase avec les enjeux de la modernité.

publié par Association France Timor Leste @ 5:32 AM,

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