Le vainqueur de l’élection présidentielle indonésienne a du sang sur les mains. Elu le 14 février dès le premier tour avec un score remarquable (plus de 55 % des voix, selon une estimation provisoire), Prabowo Subianto, 72 ans, a réussi à faire passer au deuxième plan un passé qui sent le soufre. Tout au long de sa campagne, il s’est efforcé de se présenter sous les allures d’un « grand-papa » débonnaire, esquissant, sur les vidéos filmées durant les meetings électoraux, de touchants pas de danse. Pourtant, le curriculum vitae du nouveau chef de l’Etat donne du grand-père une image fort différente : celle d’un homme sans pitié qui fut le chef de commandos de soudards qui ont laissé une trace sanglante durant les noires années de la dictature (1967-1998).
Ex-officier des Kopassus (forces spéciales indonésiennes) à l’époque de la répression de la résistance dans l’ancienne colonie portugaise du Timor oriental, envahi par l’Indonésie en 1975, ce soldat d’élite y dirigea plusieurs opérations de contre-insurrection, notamment durant les années 1980.
Les témoignages recueillis par la Commission vérité et réconciliation, créée par l’ONU en 2001 avant que le Timor-Leste n’accède à l’indépendance, sont aussi détaillés qu’explicites : le 16 septembre 1983, près du village de Caraubalo, les hommes du major Prabowo exécutent un groupe de guérilleros et leurs familles, femmes et enfants compris.