Le lourd destin du Timor-Oriental - Opinion
Publié le 2025/12/06
Tribune de Genève
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Le lourd destin du Timor-Oriental
Cinquante ans après l’invasion indonésienne, ce pays de 1,3 million d’habitants réussit l’improbable: se réconcilier avec son ancien oppresseur. Une leçon de paix méconnue, avance Jean-François Berger, historien et ancien délégué du CICR.
Qui s’en souvient? Il y a cinquante ans, le 7 décembre 1975, les troupes indonésiennes du général Suharto envahissaient le Timor-Oriental et précipitaient dans les ténèbres les habitants de cette petite île perdue. L’occupation qui dura vingt-cinq ans a coûté la vie à 200’000 Timorais, soit environ un tiers de la population. Durant ces années noires, le CICR fut quasi l’unique acteur humanitaire et son action permit d’endiguer la famine et de sauver des milliers d’habitants dans les centres nutritionnels d’urgence et les dispensaires. Sans oublier les nombreux prisonniers enregistrés qui échappèrent à une disparition programmée. Par sa présence, le CICR a exercé une protection fondamentale, certes difficile à quantifier.
Timor-Oriental
Un demi-siècle plus tard, on ne peut que saluer le chemin parcouru. Grâce à un référendum d’autodétermination de l’ONU sous très haute tension en 1999, le Timor-Oriental est devenu indépendant en 2002. Et, depuis le mois d’octobre de cette année, ce petit pays de 1,3 million d’habitants fait enfin partie de la dynamique Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) après de laborieuses tractations longtemps freinées par la junte birmane du Myanmar froissée par les critiques des autorités timoraises conduites par son président José Ramos-Horta, Prix Nobel de la paix en 1996. Désormais, cette «île jetée au bout du monde», selon la formule de l’écrivain timorais Luis Cardoso, peut entretenir des rapports plus équilibrés avec les puissants membres de l’ASEAN, en particulier les deux poids lourds que sont la Chine et l’Indonésie. Cette accession devrait favoriser l’essor économique nécessaire à la diversification de ses revenus, au moment où la rente du pétrole se tarit.
L’éducation est devenue l’une des priorités de ce petit pays. Disposant d’une vingtaine de médecins il y a vingt ans, Timor-Est en compte plus de mille à l’heure actuelle. Durant ce même laps de temps, l’espérance de vie a passé de soixante à septante ans. En plein boom démographique, la jeunesse aspire à de meilleures conditions de vie.
Indonésie
Fait remarquable et peu connu, après des années d’une occupation éprouvante, l’État timorais a su entamer le chemin de la réconciliation avec son grand voisin indonésien qui l’avait fait tant souffrir. Nul doute que le catholicisme imposé par plusieurs siècles de colonisation portugaise a pesé dans cette orientation pacifique voulue par cet État laïque.
Aujourd’hui, les défis essentiels consistent à consolider les fondements démocratiques, à lutter contre la corruption et les prédateurs qui rôdent et à développer l’agriculture. Certes, il reste encore beaucoup à faire pour réduire les écarts entre les riches et les pauvres, alors que pointent à l’horizon les redoutables effets du changement climatique.
publié par Association France Timor Leste @ 2:06 PM,